Que ce soit dans le sport ou l’élevage, le haras du Bois Margot a vécu une saison 2013 exceptionnelle. Webstallions est allé à la rencontre de son fondateur Rodolphe Bonnet pour tirer un bilan de la saison 2013 et évoquer la saison 2014, qui risque elle aussi d’être riche pour le haras avec en ligne de mire une participation aux Jeux Equestres Mondiaux pour Qlassic Bois Margot.

Webstallions : Quel bilan tirez-vous votre année 2013 ?

Rodolphe Bonnet : Au niveau sportif, nous avons la chance de voir se concrétiser l’accès au haut niveau de Qlassic après une belle fin de saison 2012 en indoor. C’est un étalon jeune avec beaucoup de potentiel et déjà un palmarès riche : Vainqueur de la finale de la Coupe des Nations à Barcelone, 2ème du Grand Prix CSI5* GCT de Valkenswaard, 2ème du Grand Prix CSIO de Gijon, 3ème du Grand Prix CSI5* de Genève, 3ème des Coupes des Nations de Rome et Rotterdam… C’est un parcours rêvé pour un cheval de Grand Prix.

Cette année a également été marquée par l’éclosion de Rissoa. C’est un cheval avec un énorme potentiel, qui a été Champion de France des mâles de trois ans. Nous avons probablement trop cherché à l’exploiter de 4 à 6 ans car nous avions la pression de l’étalonnage et du statut du cheval, d’autant qu’il était issu de la première génération des Quaprice. Par la suite, nous avons tâtonné pour trouver le cavalier qui convenait pour le cheval et je pense qu’aujourd’hui avec Pedro Veniss nous l’avons trouvé. Rissoa est également encadré par Nelson Pessoa. C’est un cheval qui n’est pas suffisamment rapide pour gagner des épreuves au chronomètre, mais il peut tout sauter, c’est un guerrier et il devrait devenir un cheval de Championnat.

C’est un cheval qui avec le système français aurait eu du mal à se faire une place en équipe alors qu’au Brésil il peut creuser son trou car il s’inscrit bien dans la problématique de cette nation, qui dispose de deux individualités fortes mais qui manque de couples performants. Il n’y a donc pas de pression concurrentielle. On s’aperçoit avec cet exemple qu’il n’y a pas de voie royale pour un cheval et qu’il peut très bien évoluer dans un autre contexte que celui que l’on imaginait au départ.

Au niveau de l’élevage, le bilan est très positif avec près de 2 000 saillies vendues en France pour 12 étalons, uniquement avec des chevaux en pleine propriété.

La venue de Canturo a constitué pour nous un gros investissement et l’étalon a été très bien accueilli par les éleveurs car il correspondait à une attente qui n’était pas comblée en France et chez nous puisque nous n’avions pas de performer de haut niveau qui soit également un reproducteur confirmé. Cela aurait probablement été le cas si nous n’avions pas perdu Quaprice prématurément. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que d’anciens acheteurs de saillies de Quaprice sont revenus vers nous pour acheter des saillies de Canturo, peut-être recherchaient-il cette galopade qui reste dans les esprits.

Cette réussite en 2013 est le fruit d’un travail commencé il y a dix ans.Notre implication constante, en particulier avec L’Arc de Triomphe, malgré les critiques de certains de nos concurrents, a porté ses fruits.  Aujourd’hui il est reconnu comme un excellent reproducteur, cela nous a apporté la reconnaissance des éleveurs.

Nous avons la chance d’avoir une clientèle fidèle puisque de nombreux éleveurs nous prennent entre 3 et 5 saillies par an. Nous travaillons aussi avec beaucoup d’éleveurs professionnels car notre catalogue est accessible en prix et qualitatif. Nous avons par exemple réussi à gagner la confiance des éleveurs de la Manche qu’il ne faut jamais tromper pour qu’ils deviennent fidèles.

 

Vous faites partie des rares étalonniers à être propriétaires de leurs étalons, pouvez-vous nous parler de cette particularité ?

Nous sommes effectivement propriétaires de tous les étalons que nous distribuons. Notre modèle n’est pas orienté vers la distribution car nous considérons que nous ne ferions pas entièrement notre métier. Par exemple, il est plus facile de faire évoluer la qualité de la semence si l’on est uniquement propriétaire. Etre propriétaire de nos étalons nous permet également de proposer des tarifs accessibles puisque nous ne prenons pas de commissions.

L’autre point important est que nous conservons nos chevaux. Il y a ainsi une construction dans le temps et nos étalons ne tombent pas dans l’oubli comme cela pourrait être le cas s’ils étaient vendus à l’étranger.

Quels sont vos critères de choix pour l’acquisition d’un étalon ?

Lorsque nous choisissons un étalon, nous nous demandons si nous l’utiliserions pour nos juments, une quinzaine sont à la reproduction au Haras du Bois Margot, sans oublier les fondamentaux qui sont une bonne souche maternelle, un bon modèle, une bonne locomotion et des points forts, comme par exemple le galop de Canturo, le mental et la facilité d’utilisation de Montender, le coup de dos et le respect de L’Arc…

On se soucie peu du fait que ce soient des purs SF ou pas car le marché ne raisonne pas comme ça, il recherche avant tout un bon cheval.

Il y a un style de chevaux qui nous plaisent en concours. Nous regardons quels sont les étalons pères de ces chevaux et à partir de là nous faisons une liste d’étalons dont on pourrait faire l’acquisition. Après avoir vu plusieurs fils de Canturo dans des concours de jeunes chevaux que nous avons voulu acheter mais qui n’étaient pas à vendre, nous nous sommes intéressés à leur père. Il n’était pas à vendre mais par la suite les propriétaires ont décidé de se concentrer sur les chevaux de concours et ont accepté de le commercialiser. Nous avons aussi vu dans les concours internationaux que Cantus (le père de Canturo) était un excellent père de mères ce qui nous a conforté dans notre décision d’achat.

Le fait de nous être intéressés au concours complet avec Quality Bois Margot nous a beaucoup fait évoluer. Cela nous a permis de juger un bon galop, sur quoi se base 50% de la qualité et notamment de la transmission de la qualité. Nous cherchons des chevaux qui ont un excellent galop et nous accordons également beaucoup d’importance à la trajectoire.

Ces dernières années, vous êtes passés d’une offre de jeunes étalons à une offre majoritairement composée d’étalons confirmés, pouvez-vous nous parler de ce changement stratégique ?

Notre positionnement de départ était difficile puisque nous avons débuté avec L’Arc, Quaprice et Champs Elysées qui étaient à l’époque de jeunes chevaux sans performances. Le temps a montré que nous avions eu raison de faire ces choix.

Notre catalogue était déséquilibré avec beaucoup de jeunes étalons. Cela partait d’une volonté de notre part d’aller au bout d’une histoire, ce que nous avons réussi à faire avec L’Arc puis maintenant avec son fils Qlassic. En ce qui concerne Quaprice, l’histoire est restée inachevée au niveau sportif mais elle continue dans l’élevage.

Nous nous sommesrendu compte qu’il y avait une évolution dans les besoins des éleveurs avec une demande plus grande sur les reproducteurs confirmés. Par exemple, L’Arc, qui prend 15 ans, est aujourd’hui un gros succès grâce à sa production. Nous avons aussi remarqué que par temps de crise les gens avaient tendance à se tourner vers les valeurs sûres en général, et pour les chevaux en particulier.

Nous avons décidé d’élargir notre catalogue avec des profils et des chevaux différents : Canturo est par exemple très différent de Montender et, aujourd’hui, notre catalogue est beaucoup plus complet qu’il y a deux ans.

Nous avons remarqué que vous vendiez peu de semence à l’étranger, pourquoi ?

C’est lié à notre positionnement. Nous vendons des saillies d’étalons attractifs avec un prix de vente raisonnable. Globalement nos étalons ont tellement de succès qu’il est très difficile de faire du stock de congelé car tout est vendu. La raison est technique et nous préférons que les éleveurs français soient servis en priorité.

La demande étrangère est forte mais nous préférons vendre moins cher aux Français et leur réserver les étalons. Cela nous est également favorable puisque cela nous permet de voir un maximum de produits en France et ainsi de bien évaluer la qualité de nos étalons. Si nous vendions davantage à l’étranger, la production serait plus diffuse et il serait plus difficile de faire un bilan.

Pour les éleveurs, un cheval réservé France est beaucoup plus intéressant car les acheteurs viennent de l’étranger pour acheter des poulains, c’est un vrai avantage commercial. D’ailleurs, nous avons décidé de réserver Qlassic et Montender à la France cette année.

A l’avenir, nous prévoyons une internationalisation plus grande, qui commence dès 2014 avec l’arrivée de Quantum dans le Nord, chez Jean-Noël Poitau, pour répondre à la forte demande venant d’Allemagne, de Belgique et des Pays-Bas.

 

A suivre demain le 2ème volet de l'entretien.

Photos : en haut à gauche : Canturo a été l'étalon leader du haras du Bois Margot en 2013 avec 535 juments saillies (Crédit photo :Tomas Holcbecher) –  à droite : Auteur d’une très belle saison 2013 avec Simon Delestre, Qlassic Bois Margot est bien parti pour faire partie de l'équipe de France lors des prochains Jeux Equestres Mondiaux (Crédit photo : Tomas Holcbecher) – en bas à gauche : Première vedette du Haras du Bois Margot, L’Arc de Triomphe est aujourd’hui une valeur sûre de l’élevage (Crédit photo : Frédéric Monneron)