Deuxième partie de notre entretien avec le cavaliers egyptien Abdel Said, qui nous parle plus en détails de ses deux montures de tête en 2016, Hope va, Sherpen Donder et California, ainsi que de son fonctionnement.

Pouvez-vous nous parler de California qui a fait une superbe saison 2016 avant d’être vendue aux écuries Tops ?

J’ai participé à la tournée américaine l’an dernier et plusieurs de mes chevaux ont été vendus là-bas. C’était très intéressant pour le commerce mais je n’y suis pas allé pour le sport si ce n’est pour faire avancer Hope et je n’attendais pas d’autre. J’ai finalement reçu un appel d’un des copropriétaires de California, Johan Lenssens, qui m’a dit « Abdel, nous avons une jument qui pourrait vraiment bien te convenir, peux-tu aller l’essayer ? ». Il m’a envoyé le numéro des gens chez qui elle était stationnée.  Je l’ai essayée et je l’ai vraiment aimée. J’ai donc commencé à la monter en compétition.

La première semaine je l’ai montée dans une 1,20m, le lendemain dans une 1,30m, puis une 1,35m. Je me sentais très bien avec elle et la semaine d’après j’ai sauté 1,40m, puis une ranking à 1,45m. La semaine suivante elle a sauté une 1,50m et a continué de progresser. A la fin de la tournée elle a été double sans-faute  et 5ème dans une épreuve à 86000 dollars du CSI5* qui était une 1,55m.

Elle a ensuite débuté la saison en Europe à La Baule. Elle était verte et je pouvais parfois faire une faute à cause de son manque d’expérience à ce niveau. Elle a commencé à être vraiment régulière au CSI3* de Knokke. Elle a gagné le petit Grand Prix la première semaine et le Grand Prix la deuxième. Depuis elle n’a fait que monter et progresser. Elle a été 2ème à La Corogne, puis 2ème du Grand Prix CSIO de Gijon. J’ai fait mon dernier concours avec elle à Barcelone. Je trouve qu’elle a sauté de manière incroyable le premier jour. Nous avons eu une incompréhension, j’étais trop près et elle n’a pas pu complètement finir sa dernière foulée, ce qui a occasionné une faute sur une entrée de double, mais elle a fait des choses vraiment incroyables alors que c’était une épreuve difficile. J’ai toujours pensé qu’elle était spéciale mais sur ce parcours elle l’a vraiment confirmé. Beaucoup de personnes se sont intéressées à elle à ce moment-là puis Jan et Edwina ont essayé la jument après Barcelone et ils ont eu un bon sentiment. J’ai eu des sentiments partagés : en tant que cavalier, c’est toujours difficile mais mon business passe en premier alors même si j’étais proche de la jument et que je l’estimais beaucoup pour moi c’est une histoire réussie car la jument a beaucoup évolué à partir du moment où j’ai commencé à la monter. Elle est passée du niveau 1,40m en 1,60m en sept mois avec des résultats et le fait qu’elle ait été vendue à Jan est une vraie réussite pour moi. C’était réconfortant même si j’ai perdu l’un de mes meilleurs chevaux et cela a été un plaisir de voir la jument si bien sauter avec Edwina dans leur première grosse épreuve ensemble, le Grand Prix de Paris, j’ai trouvé que c’était l’un des meilleurs chevaux de l’épreuve.

Parlons maintenant d’Hope, la jument avec laquelle vous avez gagné le Grand Prix Coupe du Monde de Vérone

J’ai acheté Hope à l’été de ses sept ans. Elle m’a tapé dans l’œil lors d’un concours à Opglabbeek. J’étais assis en train de prendre un café, j’avais fini et j’étais sur le point de partir. A ce moment-là se déroulait la grosse épreuve, une 1,40m. Elle est rentrée sur le paddock, et, comme j’aime bien les chevaux légers et dans le sang elle m’a directement tapé dans l’œil, c’était une jolie jument. Ensuite je l’ai regardé sauter et je me suis dit : « ok, c’est une jument sympathique et mignonne » mais je n’ai pas senti tout de suite un gros futur. Et ensuite, quand je sortais du concours, je suis passé devant la piste, je l’ai vue sauter l’épreuve et elle a fait un sans-faute. J’ai regardé la liste et je me suis rendu compte qu’elle n’avait que sept ans. Elle sautait vraiment bien par rapport au fait que c’était déjà une belle épreuve pour son âge. Je suis allé l’essayer et j’en suis tout de suite tombé amoureux, elle a fait des choses incroyables pendant l’essai. Ce n’était pas la plus facile, mais elle a fait des choses formidables, j’ai par exemple sauté un triple et elle a fait quelque chose de fantastique que peu de chevaux peuvent faire. Depuis elle a fait de très bonnes choses avec moi, j’ai probablement eu la plus belle victoire de ma carrière jusqu’ici grâce à elle.

J’ai aussi en ce moment une jument dans laquelle je fonde beaucoup d’espoirs, Itchy van het Lambroeck (Berlin x For Pleasure), qui vient de prendre neuf ans (NDLR : fille de Florette van het Lambroeck qui brille dans les CSI5* avec Edwina Tops-Alexander). Je l’ai depuis qu’elle a sept ans. Je pense qu’il lui manque encore un an et il faut toujours être prudent avec les chevaux mais selon moi cela va vraiment être une jument très spéciale avec tout le potentiel : la puissance, la couverture, le cœur, la tête, nous avons juste le temps contre nous pour le moment car elle manque encore un peu d’expérience.

Beaucoup de chevaux que vous montez vous appartiennent, pouvez-vous nous en expliquer les raisons ?

Les bons propriétaires, les gens qui soutiennent vraiment les cavaliers, qui investissent et restent derrière les cavaliers ne sont pas si nombreux, je pense qu’on les compte sur les doigts d’une main dans tous les pays.

Je suis le genre de personne qui ne veut pas attendre la chance en m’apitoyant sur mon sort. J’ai pensé : « quel est l’autre moyen de faire du beau sport ? ». J’ai travaillé dur, généré du business et j’ai essayé de retrouver des jeunes chevaux. Pour moi c’est très simple, comme je n’ai pas de sponsor derrière moi qui me dit qu’il me soutient juste pour le sport, tous mes chevaux sont à vendre, mais tant qu’ils ne sont pas vendus je les développe dans le sport.

 

Pouvez-nous vous parler de votre business ? En quoi consistent vos activités ? Quels sont vos partenaires ?

Mon business se compose de trois différentes activités :

-       Formation et vente de chevaux, ce que je fais aujourd’hui avec Samuel Hutton qui est un excellent cavalier, talentueux et sérieux.

-       Recherche et détection de chevaux, pour laquelle Philippe de Balanda m’aide beaucoup. J’ai embauché une personne supplémentaire pour cela car j’ai le sentiment que nous sommes en train de nous développer et que je ne pouvais pas continuer à m’occuper de tout

-       Coaching et pensions. J’ai de bons clients qui sont installés chez moi toute l’année et pour lesquels je fais tout le management. Entraînement, recherche de chevaux, management des compétitions, vétérinaire… Ils ont juste besoin de venir monter, nous nous occupons du reste.

Cette année, j’ai pris la décision d’acheter ma propre écurie ce qui a été un gros changement qui je pense est très important pour l’évolution de mon business parce que cela va générer des opportunités. C’est différent lorsque l’on est chez soi et je suis vraiment heureux de ce changement. J’entretiens toujours d’excellentes relations avec la plupart des éleveurs. L’un d’entre eux par exemple est la famille Theeuwes qui élève d’excellents chevaux. Je travaille aussi avec d’autres bons éleveurs ici et là qui m’appellent, me montrent leurs chevaux et, si je les aime bien, je les prends. J’entretiens par exemple d’excellentes relations avec les éleveurs à qui j’ai acheté Itchy et nous avons aussi fait des choses ensemble sur d’autres chevaux.

J’aimerais devenir une référence comme Stephex ou Hendrix, où les gens savent que s’ils ont un bon cheval ils peuvent l’emmener et qu’il y a de bonnes chances pour que je l’achète où que je le vende à l’un de mes bons clients.

Toutes ces activités me donnent beaucoup de travail et je me suis rendu compte qu’il fallait que je réunisse du personnel autour de moi pour m’aider car si je veux faire du sport au top niveau, rechercher des chevaux, entraîner les clients tout seul ce n’est pas possible. Actuellement il y a à peu près dix personnes qui travaillent pour moi.

Il y a trente-deux boxes dans mes écuries. Elles sont vraiment remplies en ce moment et il m’en faudrait cinq de plus mais je me suis dit que je n’allais pas le faire, je préfère rester sur ce nombre de chevaux en recherchant la qualité. 

La suite demain !

Photo 1 : Sous la selle d'Edwina Tops-Alexander depuis fin 2016, California a brillé sous la selle d'Abdel Said, se classant notamment 2ème du Grand Prix CSIO de Gijon - Crédit photo : Claire Simler

Photo 2 : Avec Hope van Sherpen Donder, Abdel a remporté le Grand Prix Coupe du Monde de Vérone qui est jusqu'alors le plus beau succès de sa jeune carrière - Crédit photo :  Claire Simler

Photo 3 à 5 : Abdel Said a récemment acheté ses propres installations, situées en Belgique près d'Anvers - Collection privée