Troisième partie de notre entretien consacré à Abdel Said.

Comment se déroule votre journée type ?

Les chevaux sont nourris à 7h30 et j’arrive généralement aux écuries vers 8 heures et nous faisons le planning de la journée, puis je commence par monter les chevaux que je sors en compétition.

Je consacre l’après-midi à l’enseignement et à la recherche de chevaux. Parfois je passe tout l’après-midi à enseigner et je saute dans la voiture pour essayer des chevaux le soir. On  essaye des chevaux en Belgique mais va aussi aux Pays-Bas, en Allemagne… Quand je vais essayer des chevaux en France c’est différent car à ce moment-là on part à cinq heures du matin étant donné que c’est assez loin et on y passe la journée. La plupart du temps nous allons en Normandie et pas à Lille qui serait plus près (rires) !

Nous allons principalement voir des chevaux en Belgique et aux Pays-Bas parce que je connais les gens et que c’est plus simple pour moi. Bien sûr quand je cherche un cheval de Grand Prix je n’hésite pas à me déplacer plus loin.

Que pensez-vous de la France d’un point de vue commercial ?

Je pense que la France est un pays vraiment intéressant mais il faut un peu savoir où l’on va. C’est un pays qui a beaucoup de potentiel. On peut trouver des superstars mais les trouver au bon prix à ce moment-là ce n’est pas si facile parce que certaines personnes ne voient pas que les cavaliers ont encore beaucoup de travail à faire une fois qu’ils ont acheté les chevaux.

Avez-vous vraiment l’impression que les gens ont tendance à surévaluer les prix des chevaux en France plus qu’en Belgique ?

Je pense que c’est à peu près pareil en Belgique. Quand les gens voient qu’ils ont un cheval de qualité, ils mettent immédiatement un gros prix dessus. La qualité d’un cheval n’est pas tout, ce n’est qu’un début. Il doit être construit et formé. Il y a de nombreux coûts à rajouter sur le cheval avant qu’il ne soit prêt et je pense que c’est quelque chose sur laquelle les cavaliers et les éleveurs doivent réfléchir ensemble pour arriver à un prix juste. Les éleveurs ne doivent pas avoir le sentiment que les cavaliers achètent leurs chevaux à un prix trop faible mais en même temps les cavaliers ne doivent pas surpayer un cheval à former car à un moment donné ça coince. A mon avis les deux ont besoin l’un de l’autre et s’ils coopèrent davantage il y a un cercle vertueux.

Je pense qu’il faut être prudent de ne pas vendre un potentiel et ne pas donner par exemple à un cheval de sept ans le prix qu’il aurait après deux années de Grands Prix cinq étoiles. Aux Pays-Bas, les gens ont davantage les pieds sur terre.

Vous êtes très actif aux Etats-Unis, quelles sont les spécificités de ce marché ?

Nous vendons beaucoup de chevaux aux Etats-Unis par l’intermédiaire de Cian O’Connor mais aussi d’entraîneurs qui ne sont pas forcément des noms célèbres dans le sport mais qui ont de grosses écuries aux Etats-Unis. Nous travaillons aussi avec les Hendrix et j’ai moi-même quelques bons clients qui sont dans mon écurie et achètent de bons chevaux à des prix élevés.

Le business aux Etats-Unis est complètement différent de ce que l’on voit en Europe. Généralement, les clients veulent le meilleur mais ils sont aussi prêts à payer le prix. Les chevaux doivent être faciles à monter, bien dressés et doivent avoir de bonnes performances. Encore une fois cela dépend, je parle de la majorité des cas. En général les visites vétérinaires doivent être très bonnes.

Qu’est-ce que votre victoire à Vérone a changé pour vous ?

Pour moi personnellement cette victoire a été une grande source de satisfaction, ça a vraiment été un « bouleversement » pour ma carrière. En tant qu’enfant j’ai grandi en regardant les Coupes du Monde Volvo en 1997 et 1998, le mercredi soir sur Eurosport, c’étaient les meilleurs moments de ma semaine. C’était un rêve pour moi de gagner un jour une Coupe du Monde à ce moment-là et que cela devienne réalité, particulièrement à Vérone qui est l’un de mes concours préférés et en plus avec un cheval qui m’appartenait m’a donné beaucoup de satisfaction et de confiance.

Dans notre sport, tout repart à zéro chaque semaine et il faut prouver chaque semaine mais cela plus les nouvelles installations plus le fait d’avoir vendu Good Luck à Cian ainsi que d’autres chevaux, cela commence à nous établir comme une écurie sérieuse en Europe. Vérone était la cerise sur le gâteau.

Suite et fin demain !

Photo 1 : Les écuries d'Abdel Said sont installées dans un cadre verdoyant - Collection privée

Photo 2  : Good Luck, le crack de Cian O'Connor, a été vendu à ce dernier par l'intermédiaire d'Abdel Said - Crédit photo Claire Simler

Photo 3 : A Vérone, en compagnie de la prometteuse Hope van Sherpen Donder, Abdel s'est adjugé le Grand Prix Coupe du Monde, signant du même coup la plus belle victoire de sa carrière - Crédit photo : DR Jumping Verona