Dernière partie de notre entretien avec Abdel Said.

Parlons maintenant d’élevage, élevez-vous avec vos anciennes juments de concours ?

J’ai commencé l’élevage avec Sky-High. J’ai eu la chance d’être très proche de la famille Hendrix. Quand Sky a été blessée et qu’elle a dû être mise à l’élevage, Paul Hendrix m’a suggéré de l’envoyer chez Joris de Brabander avec qui j’ai travaillé à ce moment-là. Nous avons eu des poulains dont nous sommes copropriétaires et que je forme en ce moment. Ce sont des chevaux qui viennent de prendre cinq ans et qui semblent très prometteurs : ce sont des produits de Diamant de Semilly, Norton d’Eole et Nabab de Reve. Après cela j’ai continué à élever avec Sky mais seul. J’ai un produit qui prend deux ans par Vingino et qui semble très prometteur et j’attends deux embryons d’Aganix du Seigneur cette année.

J’élève aussi avec Gigi van het Daalhof, une excellente jument qui a malheureusement été accidentée. C’est une Kashmir van Schuttershof x Clinton. Cela a été plus difficile pour elle de remplir mais maintenant j’ai eu un Cumano avec elle et un Quaprice. J’ai utilisé l’ICSI (NDLR : technique de fécondation in vitro) l’an dernier avec Gigi parce que pour une raison que j’ignore je n’arrivais pas à avoir d’embryons en transfert. J’ai eu plus de chance avec elle en utilisant la méthode ICSI. J’ai choisi d’utiliser cette méthode parce que les embryons n’accrochaient pas, elle ne les gardait pas et en essayant l’ICSI et cela a fonctionné. En revanche avec Sky-High je fais du transfert d’embryons car l’ICSI coûte beaucoup plus cher qu’un transfert classique et cela ne sert à rien de le faire si le transfert fonctionne.

Je ne suis pas un expert en élevage mais j’aime bien écouter et regarder ce que font les autres gens. Je choisis des étalons qui me semblent bons et qui ont l’air de correspondre plus ou moins à mes juments. Mais encore une fois ce n’est pas mon domaine d’expertise, je suis meilleur pour trouver et former des chevaux !

L’élevage est quelque chose que je veux continuer à faire, mais à petite échelle. Je pense que c’est vraiment intéressant. Je veux le faire seulement avec des juments vraiment qualiteuses parce que les coûts montent vraiment très vite, particulièrement en Belgique. Quand on peut avoir beaucoup de terrain, c’est différent. Je veux faire ça avec de bonnes juments qui ont fait leurs preuves dans le sport comme par exemple Hope ou Itchy si j’ai un jour la chance de pouvoir le faire. Quoi de mieux que d’élever avec l’un des meilleurs chevaux que je n’ai jamais eu ?

C’est un avantage d’avoir monté les étalons et les juments car on les connait bien. Bien sûr il faut faire les bons mariages et espérer que le meilleur ressorte car si les défauts de chacun ressortent ce n’est pas l’idéal et on n’a pas de chance !

Cela aide toujours d’avoir monté les juments car on connait leurs caractéristiques. Et je crois aussi que ce qui est la clé c’est qu’une fois qu’elles produisent et qu’on commence à voir des trois et quatre ans on a une idée de la direction à prendre pour les croisements, c’est vraiment important.

Quels conseils pouvez-vous donner aux cavaliers qui voudraient devenir professionnels ?

C’est très important d’être patient, de croire en soi. On ne voit pas toujours le résultat le lendemain, mais si l’on continue sur son plan vers des objectifs on arrive à son but.

Je pense qu’il faut être très positif et travailleur. Ne pas utiliser l’excuse : « je n’ai pas de chance ». C’est facile de le dire mais si l’on n’essaye pas, la chance ne vient pas dans son sens. Si l’on tape à la porte d’une manière ou d’une autre cela fonctionne.

Cela a été très frustrant pour moi de passer d’avoir un cheval dans les Grands Prix 5* et Coupes des Nations à pendant trois ans ne rien faire sur de gros concours. A ce moment  ce n’était pas facile pour moi car je n’avais personne pour me dire d’être patient et calme. J’ai eu des hauts et des bas et à la fin cela a fonctionné.

C’est ce que j’ai appris et que j’aime bien dire aux jeunes cavaliers : « croyez en vous, travaillez, soyez ouverts aux opportunités et continuez d’essayer même si vous échouez. »

Quels sont vos cavaliers préférés ?

Il y a beaucoup d’excellents cavaliers sur le circuit mais il y en a trois que j’admire plus particulièrement :

Ludger Beerbaum pour sa patience, sa légèreté, son engagement et ses qualités de véritable homme de cheval. J’admire le fait qu’il ait été capable de former continuellement des chevaux pour rester au top niveau depuis de nombreuses années !

Laura Kraut pour son côté combatif. Elle y croit toujours et donne tout en parcours pour parvenir à son but.

Enfin Jeroen Dubbeldam pour ses grandes qualités de sportif et sa capacité à garder la tête froide et à se transcender sous la pression.

Quel est le cheval de vos rêves ? Quel est le genre de cheval que vous aimez ?

L’un des mes chevaux favoris est Flora de Mariposa parce qu’elle a un grand nombre de qualités que j’aime chez un cheval : elle est intelligente, elle a des moyens, de la trajectoire, elle est rapide, elle saute aussi bien en indoor qu’à l’extérieur, n’est pas dérangée par les différents environnements et les différents types d’obstacles.

A la fin c’est vraiment simple, tout dépend si le cheval veut jouer le jeu ou non. S’il est intelligent il apprend et se développe. J’aime les chevaux intelligents, avec des réflexes et un grand cœur. Je peux faire des sacrifices sur la taille, le look ou la technique, en tout cas pour le sport.

Pour le commerce par contre c’est différent. Pour ne pas être perdant il faut des chevaux plus classiques, particulièrement au début. Une fois qu’ils ont fait des performances, ce n’est plus vraiment important mais on ne peut pas toujours attendre un cheval jusqu’à dix ou onze ans pour qu’il prouve sa valeur.

Quels sont vos objectifs à court et à long terme ?

Je veux développer les écuries et récupérer davantage de chevaux pour Sam et moi. J’espère augmenter le business, le chiffre d’affaires, me développer davantage sur le marché américain et bien sûr arriver au plus haut niveau possible dans le sport. Tout va de pair, il faut faire de bons résultats en concours car des résultats donnent plus d’opportunités et développent le business.

A court terme, en 2017, j’aimerais pouvoir intégrer une équipe du Global Champions Tour. Si ce n’est pas le cas, je prévois d’aller peut-être à Spruce Meadows pendant l’été, il y a de très bons concours là-bas.

A moyen terme, les JEM 2018 sont mon objectif. Je voudrais me préparer dans ce but. Mes deux juments (Hope et Itchy) sont très intéressantes et, si elle ne sont pas vendues, pourraient me permettre d’atteindre cet objectif. Le temps nous dira si nous serons prêts à ce moment-là.

Les Jeux Olympiques ont toujours été mon rêve mais c’est dans quatre ans alors c’est encore dur de se projeter, nous verrons bien.

Fin

Photo 1 : Itchy van het Lambroeck, fille de l’excellente Florette van het Lambroeck (E. Tops-Alexander), est un grand espoir d’Abdel pour l’avenir – Crédit photo Claire Simler

Photo 2 : Ludger Beerbaum, qui a su rester en permanence au plus haut niveau, est un modèle pour Abdel - Crédit photo Claire Simler

Photo 3 : Abdel Said apprécie particulièrement Jeroen Dubbeldam pour sa capacité à se transcender lors des grands évènements – Crédit photo Claire Simler

Photo 4 : Les écuries d'Abdel comptent une trentaine de boxes - Collection privée