Pour le cavalier international néerlandais Willem Greve (40 ans), le sport de haut-niveau s’écrit toujours sous les sabots de la descendance d’Eldorado Van de Zeshoek (Clinton et Bijou Orai par Toulon), l’étalon star de la team Nijhof. Sur la piste du Grand Palais éphémère , le week-end dernier, il s’est illustré avec un remarquable double sans-faute, et une deuxième place dans l’épreuve « Le Saut Hermès » (1,55m) , en selle sur Highway M TN, un fils d’Eldorado  (Eldorado Van de Zeshoek et Zelana par Chellano). Et il compte bien disputer les prochains championnats d’Europe avec la sélection nationale, en selle sur Grandorado TN NOP (Eldorado Van de Zeshoek et Charmieque par Carolus II) l’étalon avec qui il a  crevé l’écran en 2022, avant cette chute, en juillet 2022, qui avait privé le cavalier néerlandais, sélectionné la semaine précédente,  des championnats du monde qui lui tendaient les bras.

Avoir comme chevaux de top niveau deux fils du même étalon, avec qui il avait fait aussi un bout de chemin, est assez étonnant. Même si Willem Greve n’a pas le même vécu avec ces deux fils d’Eldorado, comme il nous l’a raconté, après la remise des prix de l’épreuve du Saut Hermès, samedi.      

« Oui, c’est sympa de se dire que ce sont deux fils d’Eldorado. Même si je n’ai pas tout à fait la même histoire avec les deux ; Highway, j’ai commencé à le monter quand il avait sept ans, et Grandorado, je l’ai connu et acheté (il est co-propriétaire) quand il avait trois ans et demi. Donc je l’ai amené des toutes petite épreuves jusqu’au haut-niveau. Et je suis heureux aujourd’hui d’avoir ces deux chevaux dans mon écurie, c’est un cadeau pour un cavalier, ce sont vraiment deux chevaux de top niveau. »

Pour autant, les deux étalons bais KWPN ne sont pas faits dans le même modèle, même si tous les deux sont de type moderne, et ils ne fonctionnent pas vraiment de la même façon. Highway est plus petit (1,69m, 11 ans), dans le sang, avec de l’action, une belle réactivité, beaucoup de réflexes, des qualités qui lui ont valu d’être sacré champion des Pays-bas des 7 ans en 2019.  Grandorado est plus grand (1,73m, 12 ans), doué, puissant, avec une technique exceptionnelle ; de quoi faire de lui un cheval de très haut-niveau prometteur, vite remarqué (vice-champion du monde des 7 ans, un premier classement en 5* à huit ans sur 1,50m) et qui a été époustouflant en 2022 (3ème du Grand Prix 5* de Bois le Duc, trois double sans-faute en Coupe des Nations à Rome, Rotterdam, Knokke), une saison pendant laquelle sa carrière d’étalon a été aménagée pour laisser de la place au sport.   

« Highway et Grandorado sont deux chevaux extrêmement compétitifs » confirme leur cavalier. « Mais ils n’ont pas forcément les mêmes qualités. Highway est un peu plus petit, et il a un tempérament et un mental de guerrier. Grandorado est un plus grand cheval, et il n’a pas le même tempérament.  Il est un peu plus comme son père,  Eldorado… Il est un peu plus timide, émotif, il faut lui laisser le temps de prendre ses marques, et plus il saute, mieux il saute. Mais il a du coeur, de l’envie, c’est aussi un battant ».

Côté tempérament et gestion au quotidien, les deux étalons semblent bien dans leur tête. Il était d’ailleurs étonnant d’observer, avant l’épreuve du samedi, combien, malgré l’agitation et la tension, palpable,  au paddock, Highway restait calme et connecté avec son cavalier.

« Avec Highway, la détente au paddock, c’est de ne pas le mettre trop sous pression, de ne pas sauter trop gros, de le laisser prendre confiance.  Et il se sent bien au Saut Hermès, l’an passé,  il avait déjà très bien sauté sur cette piste » confiait Willem Greve. Pour qui la gestion des étalons se fait au quotidien, en équipe.

« Ce sont deux chevaux qui ne posent pas de problèmes  dans leur manipulation, dans les différentes situations. Quand on leur apprend à se poser dans une routine, avant les épreuves, pendant, après, qu’on fait ça tous les jours, à la maison, en concours, ça aide beaucoup. On les traite comme des chevaux normaux,  ils vont au pré, et tout se passe bien. Ils ne sont pas démesurément chauds ».

Grandorado, entré au haras en France en 2019, et qui en quatre ans y a servi 502 juments, est déjà doté d’une nombreuse descendance puisqu’on lui compte un millier de produits, dont certains se sont distingués lors des Championnats du Monde des jeunes chevaux à Lanaken, et il a produit également quelques étalons approuvés (Lamaze TN, Grand-Nabab Z, Onassis TN…). Highway lui a fait sa première saison de monte en France en 2020. « J’ai pu voir quelques-uns de leurs produits, et ce sont des poulains qui montrent de la qualité. Ils sont très bons » confirme Willem Greve.

Pour lui, cette année 2023 sera un recommencement, après cette chute dans laquelle il s’était brisé une cheville, et un bras en juillet 2022, et qui avait fait voler en éclats tous les objectifs envisagés avec Grandorado, notamment. Même si la mise en perspective des progrès et de la compétitivité de Highway permet d’envisager une saison porteuse avec lui aussi.  

« J’avais de gros objectifs l’an passé avec Grandorado, on devait faire les championnats  du monde, et puis il y a eu cette chute…  Et au final, ça a été une année noire. Pourtant, on restait sur de très bons résultats. Et j’aimerais qu’on retrouve ça cette saison, la chute et les fractures en moins, bien sûr »sourit le cavalier des Orange. On a des plans pour cet été, avec comme objectif principal les championnats d’Europe à Milan avec Grandorado, normalement. Mais qui sait ? On a des objectifs en coupe des Nations aussi, et des 5* pour les deux chevaux, pour être régulier à ce niveau.  On a un programme de base pour ces deux chevaux, et on attend de voir comment ils vont répondre, ce qui va se passer ».

Pour le reste, et la vision d’une échéance olympique, le cavalier néerlandais ne veut pas bruler les étapes.

« Les JO ? Ca, c’est l’année prochaine… Mais oui, je dirais que c’est la lumière à l’horizon, alors oui, c’est un but. Je pense que Grandorado a tout le potentiel d’un cheval de niveau olympique. Ce serait un rêve qui devient réalité de faire les JO avec lui ».

Dans l’immédiat, Willem Greve savoure les sensations retrouvées et le plaisir d’avoir sous sa selle deux chevaux faits pour être des performers au plus haut-niveau. De quoi écrire une histoire qui sort de l’ordinaire, dans les traces d’Eldorado. « C’est une  drôle de coïncidence d’avoir à monter deux chevaux de top-niveau  qui sont issus du même père, que j’ai monté pour la team Nijhof » dit-il dans un sourire. « Il y a comme une continuité. Ca fait une belle histoire. Et qui est loin d’être achevée. »

 

Liliane Trévisan

 

Photo : Willem Greve et Highway M - Crédit photo : Christophe Tanière