Discret durant toute la semaine, Martin Fuchs s’est bien rattrapé en remportant dimanche après-midi le mythique Grand Prix CSIO d’Aix-la-Chapelle qui s’était jusqu’alors toujours refusé à lui. Laura Kraut et Steve Guerdat ont complété le podium alors que la meilleure Tricolore du jour Nina Mallevaey, 5ème, a une nouvelle fois été éblouissante et est passé tout près de la victoire pour sa première participation.
Il en rêvait depuis des années, il a enfin inscrit son nom au palmarès du Grand Prix le plus convoité de l’année ! Martin Fuchs a connu une histoire compliquée avec cette épreuve, qu’il aurait déjà pu gagner en 2016. A l’époque, il partait pour la victoire avec son crack Clooney qui avait finalement dérobé sur l’ultime obstacle, laissant un goût amer au cavalier suisse. Cette fois, aucun grain de sable n’est venu perturber le couple qu’il forme avec Leone Jei (Baltic VDL x Corland), qui a franchi chaque étape du Grand Prix avec brio pour l’emporter. Sa monture est devenue du même coup le premier cheval à accrocher quatre victoires en Grands Prix du Rolex Grand Slam dans sa carrière (deux fois à Spruce Meadows, une à Aix-la-Chapelle et une à Genève), devançant désormais d’une unité le seul cheval ayant remporté trois étapes du Grand Slam la même saison, Hello Sanctos. Ces dernières semaines n’avaient pourtant pas souri au Suisse, qui avait même préféré faire l’impasse du le Grand Prix CSIO de La Baule en compagnie de Leone Jei après une semaine compliquée avec ses autres montures.
Quarante cavaliers s’étaient qualifiés tout au long de la semaine pour le Grand Prix. La première manche du parcours tracé par Frank Rothenberger a vu la majorité des fautes se produire sur le milieu du triple, l’entrée du double de bidets et l’ultime combinaison, un double oxer-vertical qui a notamment pénalisé Olivier Perreau, auteur d’une belle prestation avec Dorai d’Aiguilly (Kannan x Toulon). Dix-huit paires se sont qualifiées pour la deuxième manche, dont quatorze avaient signé un parcours sans-faute dans le temps. La deuxième manche a sorti seulement trois couples du barrage, dont le numéro un mondial Kent Farrington, qui aurait bien pu faire parler la poudre avec Greya (Colestus x Contender), vainqueur de trois Grands Prix CSI5* cette saison.
Olivier Robert a ouvert un barrage à onze dans un bon tempo mais il s’est fait piéger sur l’entrée du double placé en avant-dernier avec Iglesias D.V. (Quasimodo Van de Molendreef x Indorado). Après le succès d’André Thieme et Chakaria l’an dernier, le public allemand attendait une victoire de l’un de ses compatriotes. Quatre d’entre eux se sont qualifiés pour le barrage mais aucun n’a réussi à signer un triple sans-faute. Champion Olympique à Paris l’an dernier, Christian Kukuk (7ème) avait mené Checker (Comme Il Faut x Come On) au meilleur de sa forme mais le couple a été pénalisé sur l’entrée du double avant-dernier. Son coéquipier Gerrit Nieberg (9ème), vainqueur en 2022 avec Ben, a réalisé un barrage raisonnable mais une faute avec son plaisant pie Ping Pong Van de Lentamel (Emerald x Toulon) l’a privé d’un top huit. Enfin, le couple Sophie Hinners (11ème)/Richard Vogel (12ème), favori du public allemand, a laissé deux barres à terre, respectivement avec Singclair (Singular LS x Cardento) et United Touch S (Untouched x Lux Z).
Auteur du plus grand retournement de situation du jour, Stephan de Freitas Barcha (4ème) a signé le premier triple sans-faute de l’épreuve. Éliminé lors de la première manche de la Coupe des Nations après une impressionnante chute sur la rivière en compagnie de Primavera (Calvaro x Paroli), le Brésilien devait sa qualification à sa médaille d’or aux Jeux Panaméricains. Loin de partir vaincu, il a signé trois parcours de très belle facture et a mis la pression à ses poursuivants.
Privés de Coupe des Nations, les Suisses avaient à cœur de briller en individuel. Steve Guerdat (3ème) a réalisé deux manches d’exception avec une Dynamix de Belheme (Snaike de Blondel x Cornet Obolensky) aérienne. Le couple a réitéré le sans-faute au barrage dans un excellent chronomètre.
Que dire de la meilleure Française de ce Grand Prix, Nina Mallevaey (5ème), qui n’a cessé de briller tout au long de la semaine. Tout juste âgée de vingt-cinq ans, l’amazone, loin d’être impressionnée par l’ambiance et la piste pour sa première participation dans la Mecque du saut d’obstacles, s’est qualifiée avec brio pour le barrage du Grand Prix. Associée à la puissante Dynastie de Beaufour (Diamant de Semilly x Cassini I), la Tricolore a joué le tout pour le tout au barrage en signant le meilleur chronomètre. Sans sa faute sur l’entrée du double, elle aurait inscrit au palmarès du Grand Prix le nom d’un deuxième cavalier français, cinquante-quatre ans après le succès de Marcel Rozier et Sans Souci.
Si McLain Ward a une fois de plus échoué dans sa quête de victoire en laissant une barre à terre en première manche avec Imperial HBF (Glasgow VH Merelsnest x Original VDL), deux de ses compatriotes se sont brillamment qualifiées pour le barrage. Son élève Lillie Keenan (6ème), impériale tout au long de la semaine, a pris des risques mais a malheureusement été fautive sur l’entrée de double avec Fasther (Vigo d’Arsouilles x Farmer). Dernière à s’élancer, Laura Kraut n’a pas perdu son envie de gagner. Associée au fantastique Baloutinue (Balou du Rouet x Landor S), elle n’est pas parvenue à aller plus vite que Martin Fuchs, qui avait su profiter de la grande action de sa monture, mais s’est emparée d’une magnifique deuxième place.
Le Suisse, déjà vainqueur l’an dernier du Grand Prix CSIO de Calgary du Rolex Grand Slam, a empoché un bonus de 500 000 € en plus des 500 000 € promis au vainqueur du Grand Prix. Il a surtout inscrit son nom au palmarès du plus prestigieux Grand Prix au Monde, vingt-et-un ans après son oncle Markus : « C’est une journée fantastique, il y a beaucoup d’émotions. J’ai essayé de nombreuses fois de gagner ici. J’ai été plusieurs fois proche. Aujourd’hui j’étais très concentré pendant le barrage. C’est un jour spécial pour la famille et toute l’équipe. J’ai un cheval formidable qui répond toujours présent dans les étapes du Grand Slam. Quand je monte bien généralement il laisse les barres sur les taquets. Sur une piste comme celle-là il a une énorme amplitude ce qui me permet au barrage d’enlever des foulées et de prendre tous les risques sans aller à la faute. J’ai vraiment beaucoup de chance de monter un cheval comme lui. J’avais un très bon plan pour le barrage. J’ai retiré une foulée pour aller sur le double qui était difficile à sauter, mais comme je connais très bien mon cheval je savais qu’il pouvait le sauter sans-faute grâce à son respect. Il ne restait ensuite que le dernier vertical que j’ai sauté le plus vite possible. Dans tous les majors il y a les meilleurs cavaliers et chevaux du monde. Tout le monde se prépare tout au long de la semaine et le dimanche tout le monde a hâte de sauter le Grand Prix. Hier soir dans mon lit j’ai réfléchi à tout ce que je pouvais améliorer aujourd’hui, où je devrais être meilleur que les années précédentes et je suis vraiment heureux que cela se soit déroulé ainsi. Je suis ravi du retour de Conner, il a sauté la warm-up et deux épreuves dans lesquelles il a été sans-faute. Il se sentait très bien. Je pense qu’on a une belle équipe en vue des Championnats d’Europe. J’aimerais beaucoup monter Leone Jei aux Championnats du Monde l’an prochain. Il adore cette piste et ce sera notre objectif principal l’an prochain. », confiait-il.
Laura Kraut ne pouvait que se réjouir de sa semaine : « Je suis très heureuse de ma deuxième place. Nous étions onze au barrage ce qui est beaucoup. Les cavaliers les plus rapides du monde étaient là et j’ai pensé que cela pourrait ne pas se terminer si bien. Le double doré était difficile à sauter, beaucoup de cavaliers très rapides se sont fait piéger. Je n’ai pas vraiment vu Martin donc je n’avais pas tellement de points de repères par rapport à lui même si je savais qu’il était très rapide. Quand j’ai sauté le mur j’ai préféré ensuite assurer sur le double et ne pas le faire tomber. C’est là qu’il a gagné beaucoup de temps et il est ensuite allé sur le dernier à une vitesse que je ne peux pas atteindre. Au final je suis contente. J’ai seulement vu le premier barragiste et je suis ensuite remontée à cheval. Il y a un grand écran au paddock mais je me suis concentrée sur ce qui se passait à la détente et ce n’était pas vraiment simple de tout voir. Quand j’ai entendu la foule j’ai compris que Martin avait été très rapide. Je savais que je devrais aller le plus vite possible. J’aimerais pouvoir monter Baloutinue aux Championnats du Monde l’an prochain mais il aura seize ans alors cela dépendra de sa forme. J’ai également la possibilité de monter Bisquetta avec qui j’ai sauté la Coupe des Nations, j’ai la chance d’avoir le choix. En venant ici mon plan a toujours été de monter Baloutinue dans le Grand Prix. Il a quinze ans et je me suis dit que ce serait bien de faire la Coupe des Nations avec Bisquetta et uniquement le Grand Prix avec lui et visiblement mon plan était le bon ! », souriait l’Américaine.
Steve Guerdat était le deuxième Suisse sur le podium : « J’ai beaucoup de raisons d’être heureux aujourd’hui. Ma jument a sauté de manière exceptionnelle. L’épreuve n’était pas vraiment faite pour nous aujourd’hui. Il y a eu beaucoup de sans-faute et quand j’ai vu le barrage j’ai compris que je n’avais aucune chance de gagner aujourd’hui. Il n’y avait aucune option. Il fallait un cheval avec une grande action ce que ma jument n’a pas. Je n’ai pas monté parfaitement mon barrage, je pense que j’aurais pu être deuxième. Je suis déjà content d’être monté sur le podium car j’aurais aussi bien pu être 6ème. Nous sommes des compétiteurs et nous avons envie de gagner mais je sais ce qu’il me reste à faire. Il faut que je sois plus rapide avec ma jument mais je suis déjà très content de son retour après une longue pause. J’ai bien sûr envie de sauter les Championnats du Monde avec Dynamix l’an prochain. Elle est performante ici à chaque fois et aime ce terrain. Je ne l’ai pas emmenée ici cette année spécifiquement pour cela mais il est certain que ce sera mon objectif l’an prochain. », expliquait-il.
Malheureux dans le Grand Prix avec une faute qui l’a privé des avant-postes avec Point Break, Ben Maher a été sacré meilleur cavalier du concours alors que Dallas Vegas Batilly a décroché le titre de meilleur cheval.
L’année prochaine, deux éditions du concours se dérouleront dans le stade de la Soers. Le CSIO en mai et les Championnats du Monde en août.
Résultats complets du Grand Prix
Photo : Martin Fuchs et Leone Jei, vainqueur du Grand Prix CSIO d’Aix-la-Chapelle – Crédit photo : Claire Simler